La Revue du Cinema (1931)

tion très complète de caméras des temps héroïques, quand le film était plus que large et tout le reste à découvrir (1). C'est là que vous pourrez voir, mélancolique épave, le Cinéorama et ses dix projecteurs, entre autres témoins des recherches d'autrefois, qu'il dépasse d'ailleurs par une hardiesse encore aujourd'hui stupéfiante. 1896. — L'Exposition Universelle approche, les rois se préparent à faire leurs valises, on nettoie les chambres d'amis. « Que montrera-t-on à tous ces curieux? » Raoul Grimoin-Sanson, qui a déjà cinquante inventions à son actif (entre autres, la « Croix de Malte » (1896) en usage dans tous les appareils de projection du monde), dont le phototachygraphe était prêt le soir où Lumière donnait au Grand Café la première séance de cinéma, répond à cette phrase bien connue : Le Cinécosmorama. Et en 1897, il prend son brevet. Car déjà, « le petit écran des cinémas me paraissait insuffisant pour mettre en valeur tout le parti que l'on pouvait tirer de la nouvelle invention (2) ». Un extrait de ce brevet, et un coup d'oeil aux croquis joints permettront au lecteur de saisir l'idée et sa valeur. « La présente demande de brevet d'invention a pour objet de me garantir « la propriété exclusive d'un nouveau panorama à vues animées permettant « de donner, à un spectateur placé au centre du panorama, l'illusion d'une « ascension en ballon (3). Cette illusion est obtenue par la projection sur « l'écran de vues animées prises au moyen d'appareils cinématographiques <( qui, étant placés dans la nacelle d'un ballon, donnent au spectateur, lors de « la projection, en même temps que les mouvements des objets pris directe« ment par les appareils cinématographiques, l'illusion de l'ascension du « ballon. L'appareil permettant la prise des négatifs sera donc fixé au-dessous « d'une nacelle, et l'opérateur prendra les vues cinématographiques qu'il <( jugera nécessaires. Lors de la projection des positifs qui constitue l'objet « de la présente demande de brevet, l'appareil sera disposé au-dessous d'une « nacelle stable dans laquelle se trouveront les spectateurs. Cet appareil pro« jettera sur un écran vertical et polygonal (4) les différentes vues cinémato« graphiques, et le spectateur placé dans la nacelle fixe verra les scènes « animées reproduites par le cinématographe, tout en ayant l'illusion d'une « ascension par suite du déplacement du paysage lui-même. » Brevet déposé le 25 novembre 1897 et accordé sous le numéro 272.517.) Suivent la description d'un procédé de nuages artificiels (abandonné par la suite) et des descriptions techniques sur lesquelles nous n'insistons pas, encore que le synchronisme des dix appareils de prises de vues destinés à photographier ensemble l'horizon soit un chef-d'œuvre de simplicité et de précision. Tout était prévu pour donner l'illusion totale, jusqu'à la dissimulation des projecteurs sous le plancher de la fausse nacelle. On croirait lire là quelque projet fantaisiste comme en ont si fréquem (1) Cette collection a été établie par les soins de M. Grimoin-Sanson que nous retrouverons à chaque page de l'histoire du cinéma, qu'il s'agisse de créer, de perfectionner ou de classer les résultats acquis. (2) Tous les passages cités en italiques sont extraits de la très curieuse et très touchante autobiographie de Grimoin-Sanson Le Film de Ma Vie. (3) Lors des premières séances plusieurs spectateurs furent atteints du mal de mer caractéristique des ascensions en ballon libre. (4) Circulaire, lors de la réalisation. 8